31 Mar Quid de notre bucket list ?
BUCKET LIST: A LIST OF THE THINGS THAT A PERSON WOULD LIKE TO DO OR ACHIEVE BEFORE THEY DIE.
Vous tous avez probablement en tête ou noté quelque part une liste de choses que vous rêvez d’accomplir ou de voir dans cette vie. Souvenez-vous de ce film avec Morgan Freeman et Jack Nicholson, Sans plus attendre, dans lequel deux hommes gravement malades s’emploient à rire jusqu’à en pleurer, voir l’une des sept merveilles du monde, conduire une voiture de sport et autres joyeusetés dont on rêve sans arrêt sans jamais s’y mettre.
Bien souvent, on attend « d’avoir de l’argent », « que ce soit le bon moment », « qu’on ait du temps libre », « que ce soit sans risque » ou « de se sentir autorisé » pour se lancer dans les projets les plus fous de notre vie. Alors, que le bon moment, ce n’est jamais que maintenant car notre vie elle-même, c’est maintenant.
Évidemment, avec la situation inédite que nous traversons, nous ne pouvons que remettre à plus tard les projets en cours et les « plans sur la comète », ces idées jetées en l’air auxquelles on ne croit pas vraiment mais qui sont quand même sacrément alléchantes !
En ce qui me concerne, l’année 2020 était censée être l’année où je rayais les lignes de ma bucket list une à une : l’année de mes 30 ans, l’année de mon épanouissement. Jusque-là, et particulièrement depuis 2018, depuis l’entrée dans la grande aventure de l’entrepreneuriat, j’avais déjà réalisé plusieurs rêves d’enfants. C’est une chose très émouvante de donner à l’enfant qui sommeille toujours en nous ce qu’il imaginait être inaccessible. Cette satisfaction de s’offrir une récompense, une validation, des années plus tard, fièrement et dans la gratitude, a quelque chose de très chaleureux. Personne d’autre n’est impliqué que vous-même, à différentes étapes de votre vie : c’est un dialogue avec son soi qui, je vous prie de me croire, vous fera largement relativiser la perception du temps qui passe. Ma bucket list actuelle est tout à fait réalisable, tant financièrement que logistiquement, si bien que j’étais persuadée d’y venir à bout d’ici décembre 2020. J’avais bien quelques lignes en tête à ajouter pour en créer une nouvelle qui s’ouvrirait sur la dizaine de printemps à venir mais je me concentrais d’abord sur ce qui m’est apparu comme une étape, cet accomplissement étant à mes yeux à la fois une ligne d’arrivée, à la fois une ligne de départ. Cependant, comme beaucoup d’autres personnes, j’ai été stoppée en plein essor, ajoutant une grande frustration à l’incertitude et l’angoisse des lendemains que nous connaissons tous.
Mais si on ne peut rien concrétiser, on peut encore rêver. Dans notre boîte à outils, nous disposons tous des mêmes accessoires : le rêve, le projet, la volonté, l’envie, l’espoir.
Je me suis demandé si la crise que nous traversons nous pousserait à renforcer notre détermination quant à la concrétisation de ces projets déjà listés au retour à la normale, nous en éloignerait ou nous en ferait formuler de nouveaux. Lorsque nous sommes coincés dans une situation inconfortable, dire à voix haute ce que nous envisageons de faire plus tard, est un vrai moyen de se projeter dans un après, soit de mettre son énergie au service d’un mieux-être. Du fait de l’incertitude dans laquelle nous plonge la situation actuelle, n’importe quelle source de conviction (« si je le peux, je ferai… »), envers votre détermination ou vos capacités propres pour commencer, devient une source de stabilité qu’on aurait tort d’ignorer.
Connaissant ma bucket list par cœur je n’ai pas vraiment ajouté de to do à celle-ci. Mais j’ai utilisé ma frustration pour affirmer ma volonté de procéder à son exécution, dans le respect des potentielles consignes qui seront éditées. Parmi les projets 2020 en suspens, figure ma mission humanitaire bénévole à l’étranger : participer au sauvetage, aux soins et à la préservation de tortues de mer sauvages durant un mois.
Je suis certaine que vous voyez ces documentaires nous montrant une myriade de bébés tortues s’élançant vers la mer, bravant les crabes tueurs et les algues emprisonnantes. Alors, durant mon confinement, je regarde des vidéos de la sorte. Je m’émerveille d’apprendre que sur une plage brésilienne, 97 tortues à bec de faucon (une espèce protégée car menacée d’extinction) « ont cassé leur coquille dans la plus grande quiétude avec pour seuls spectateurs les employés de la ville de Paulista » et non les centaines de curieux habituels (source: Geo Magazine). Cela me rappelle un chapitre de Notes on a nervous planet de Matt Haig que je viens tout juste de terminer (et que je vous recommande fortement) : « On Hikkiduwa beach, alongside locals and backpackers, feeding giant sea turtles seaweed straight from my hand. My wife and the children were there. It was the kind of moment I never believed I would have when I was an agoraphobic twentysomething convinced I wouldn’t live to reach 30, having pushed everyone I love away. Then, at 40, there I was with people I loved, on an idyllic beach, close up to these large ancient reptiles. They seemed so calm and wise in their longevity. I wondered what secret wisdom they had. And wished there was a way for a human to ask a turtle questions. So, when depression slugs over me, I close my eyes and enter the bank of good days and think of sunshine and laughter and turtles. And I try to remember how possible the impossible can sometimes be » (« Sur la plage de Hikkiduwa, aux côtés des locaux et des routards, en train de nourrir des tortues de mer géantes d’algues à ma main. Ma femme et les enfants étaient là. C’était le genre de moment que je n’avais jamais pensé vivre quand j’étais un vingtenaire agoraphobe convaincu qu’il ne vivrait pas jusqu’à 30 ans, ayant repoussé tous ceux qu’il aime. Puis, à 40 ans, voilà que j’étais avec les gens que j’aimais, sur une plage idyllique, près de ces anciens grands reptiles. Elles semblaient si calmes et si sages dans leur longévité. Je me suis demandé quel secret éclairé elles détenaient. Et souhaité qu’il y ait une façon pour l’humain de poser des questions à une tortue. Alors, quand la dépression prend le dessus, je ferme les yeux, j’entre dans la banque de ces belles journées et je pense au soleil et aux rires et aux tortues. Et j’essaye de me souvenir combien l’impossible peut parfois être possible »).
Voilà comment je décide de sceller ce projet dans ma bucket list. J’y associe une vision, sans oublier cette phrase : « I try to remember how possible the impossible can sometimes be ». Peu importe lorsque cela se produira : lorsque je serai un jour, peut-être pas cette année, sur cette plage où j’aurai participé à faciliter la reproduction de cette espèce très ancienne, je repenserai à « combien cela m’avait paru impossible » tandis que j’étais coincée ici, maintenant.
L’avantage de votre bucket list, c’est que c’est vous qui décidez si les pierres que vous mettez dans ce seau sont lourdes car elles vous rappellent à votre frustration ou si elles ne pèsent rien mais vous tirent furieusement en avant…
Alors, que mettez-vous dans ce seau ?